« Anne F. » d’Hafid AGGOUNE (Editions Plon)

D’An9782259230261ne Frank, on croyait tout savoir. Son journal la donnait à lire en adolescente, jeune adulte vivant reclus avec sa famille et quelques compagnons d’infortunes dans un grenier aménagé d’Amsterdam, à l’abri (croyaient-ils) des nazis et des camps d’extermination où il finiront presque tous. Qui ne connait pas son histoire, qui n’a jamais vu un film, un reportage ou des photographies de cette enfant souriante, aux yeux rieurs et aux cheveux bruns ? En cette rentrée littéraire, Anne Frank renait sous la plume d’Hafid Aggoune, dans une longue lettre à laquelle il s’adresse à sa « petite soeur juive ».

Dans la peau d’un professeur de français, Hafid Aggoune écrit à Anne Frank un soir de terreur. L’un de ses élèves vient alors de commettre un attentat. Le professeur veut en finir, n’arrive pas à comprendre comment il a mené cet enfant à un tel acte. Mais avant le saut ultime, il relit le fameux journal de l’écrivain adolescente. Il décide finalement de laisser passer la nuit avant de mettre son dernier projet en branle. Dans ces quelques heures qui le sépare, pense t-il, de son dernier souffle, le narrateur parle autant de lui que d’Anne, créé des ponts entre eux deux. Lui, le gamin aux multiples origines, né dans une France qu’il aime mais qu’il ne comprend pas toujours. Et Elle, joyeuse enfant arrachée à l’innocence par une guerre et un antisémitisme qu’elle n’a pas vu venir.

A travers cette lettre, l’auteur trace son sillage dans celui d’Anne Frank, trouvant des parallèles à leurs vies ou des réponses à ce qu’elle n’a pu connaître. Une affection profonde habite le narrateur, une connaissance parfaite de l’oeuvre de la jeune fille et une sensibilités exacerbée offrent à ce texte une profondeur palpable. Soixante-dix ans après sa disparition, celle qui est devenue le symbole de la barbarie nazie renaît à travers ce qu’elle aimait tant : l’écriture.

Entre les lignes, c’est l’écrivain Aggoune que l’on retrouve et nous comprenons bien vite que l’attentat et la lecture du journal ne sont que prétextes pour honorer la mémoire d’Anne Frank, lui redonner vie et la donner à voir à une nouvelle génération. Cette lettre est avant tout un devoir de mémoire, une lumière dans un tunnel sombre pour ne pas oublier et transmettre. A sa manière, l’auteur marque le pas sur le pas de ses futurs enfants : c’est un pas de côté, mais ô combien salvateur.

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